
Le premier plat signature du fenua
Fin octobre 2024, le chef multiétoilé Thierry Marx et le chef tahitien Teao Maiarii ont réalisé la recette du premier « plat signature » polynésien, à Bora Bora. Une étape essentielle pour faire connaître ce patrimoine inimitable des îles du peuple de l’océan.

Deux chefs, deux techniques, une recette emblématique
Quel plaisir de les voir se rencontrer : d’un côté Thierry Marx, qui tutoie les étoiles du Michelin depuis 1988, avec son regard malicieux et son souci permanent de transmission ; de l’autre, Teao Maiarii, ex-étudiant chimiste devenu alchimiste des produits du fenua, chef d’emblée reconnu, au restaurant ‘Umete de Vairao d’abord, puis au Maru Maru à Papeete. C’est dans le cadre du Campus des métiers et des qualifications de l’hôtellerie-restauration (CMQP), dirigé par Hina Grepin, et après une invitation du chef Thierry Marx à Tahiti par le président Moetai Brotherson, qu’ils se sont rencontrés à la fin du mois d’octobre 2024, pour un défi intéressant à relever : formaliser le premier plat signature de la gastronomie polynésienne.
Le dimanche 27 octobre, à Bora Bora, accueillis par l’équipe de l’Intercontinental Thalasso de Bora Bora et veillés par le mont Otemanu, les deux chefs, secondés par deux élèves de bac pro cuisine du lycée de l’île, ont réalisé en direct ce premier plat signature.

L’héritage culturel des produits
Ce plat avait été imaginé il y a quelques années par Teao Maiarii, chef de projet pour le groupe de travail du campus dédié à la signature culinaire polynésienne. L’idée initiale était plurielle : mettre en valeur un écosystème de Tahiti, créer une recette avec des produits qui sont consommés par tous, une préparation dans laquelle la population puisse se reconnaître assez facilement. En résumé, un plat représentatif de la cuisine de Tahiti d'aujourd'hui, reposant sur des produits de l’île, certaines techniques locales et d’autres importées, notamment françaises.
Cette recette présente ainsi un bon équilibre entre l'héritage culturel de Tahiti et le goût local : d’un côté, les crevettes, le taro, le coco ; de l’autre un savoir-faire français, avec l’émulsion, les bouillon et court-bouillon, les réductions des sauces, toutes ces petites étapes que l’on ne voit pas dans le plat final mais qui sont essentielles.

Un goût inimitable
Pour cette recette signature, seuls des produits du fenua ont ainsi été utilisés : même les réductions n’ont pas été à base de vin, mais à base de taioro*. « Les produits sont d’ici, le goût est d'ici, mais la méthodologie du travail, elle, est française. On peut dire que ce plat est du pur Escoffier** », résumait Teao Maiarii, le chef tahitien. Ce qui différencie ce plat, c'est vraiment son goût : « On peut le manger dans n'importe quel pays du monde, il rappelle Tahiti et ses îles, il porte cette identité. ». C’est en ce sens qu’il a été mis en avant pour la venue du chef Thierry Marx.

L’écosystème de la tarodière
Revenons à l’écosystème choisi. Teao a proposé celui de la tarodière. « Nous souhaitions mettre le taro et le coco en avant. Or, dans une tarodière. il y a le taro bien sûr, de l'eau en abondance et le paillage en palmes de cocotier. C’est pour cela que l’on plante des cocotiers à proximité ». Souvent, des plantes « anti-nuisibles » sont ajoutées : le gingembre, le re’a Tahiti, les papayers…. Enfin, « avec l’eau en abondance, il y a du cresson sauvage qui pousse, des chevrettes dans l’eau… » Chevrettes, taro, coco, re’a Tahiti ou gingembre, cresson : de quoi en faire tout un plat.
Cette première recette signature racontera, sur tous les continents, un moment gourmand et vrai de Tahiti Et Ses Îles.
Crevettes bleues sautées au re’a tahiti,
écume coco & son risotto de taro
Ingrédients :
CREVETTES • 1 kg de crevettes bleues
| FUMET DE CREVETTES • Carapaces de crevettes |
RISOTTO 1 kg de taro cuit | BISQUES DE CREVETTES • Têtes de crevettes |
SAUCE RE’A TAHITI • Bisque de crevettes
| ECUME COCO • 200 g de lait de coco
|
Finitions : • Crevettes préparées |
Progression :
- Taro
La veille, cuire le taro à l’eau. Puis rincer à l’eau claire
et réserver au frais. Découper le taro en brunoise puis
réserver au frais.
- Fumet de crevettes
Découper la garniture aromatique en mirepoix. Dans une casserole, rassembler tous les ingrédients, mettre à bouillir. Abaisser le feu après ébullition, laisser cuire 45 min en écumant régulièrement. Passer le tout au chinois à étamines, puis réserver.
- Crevettes
Décortiquer les crevettes. Réserver les carapaces pour faire le fumet et les têtes pour la bisque. Rafraichir les crevettes 30 min à l’eau claire. Pendant ce temps, préparer la saumure (gros sel 200G + 1,5L d’eau) + glaçons. Mettre les crevettes dans la saumure pendant 20 min puis rincer 3 fois à l’eau claire. Réserver.
- Bisque de crevettes
Dans une casserole, colorer les têtes de crevettes à brun, les concasser à l’aide d’un rouleau à pâtisserie, rajouter la garniture aromatique puis déglacer à l’eau de taioro.
Laisser réduire jusqu’à une consistance sirupeuse. Rajouter la moitié du fumet. Porter à ébullition puis abaisser le feu et laisser cuire le tout pendant 45 min. Passer le tout au chinois à étamines, puis réserver.
- Sauce Re’a Tahiti
Dans une casserole, rassembler tous les ingrédients.
Porter à ébullition. Abaisser le feu et laisser cuire 20 min. Passer le tout au chinois à étamines, puis réserver.
- Risotto
Dans une casserole, verser l’huile d’olive. Faire suer les oignons à blanc, rajouter le taro, faire nacrer et déglacer à l’eau de taioro puis mouiller avec un peu de fumet de crevettes.
Saler et poivrer. Rajouter le parmesan. Mélanger.
- Écume coco
Dans une casserole porter à ébullition le fumet et l’eau de taioro puis rajouter le lait de coco. Saler et poivrer, remettre le tout à chauffer jusqu’à frémissement de la sauce puis l’émulsionner à l’aide d’une girafe.
- Sauté de crevettes
Départ à froid. Mettre les crevettes et l’huile d’olive dans une poêle. Cuire à feu vif. Une fois colorées, retourner les crevettes. Déglacer avec la sauce re’a Tahiti.
Laisser bouillir puis couper le feu. Rajouter le cresson et dresser.
* taioro : condiment polynésien fabriqué par fermentation d'un mélange d'amande de coco mature râpé, d'eau de mer et de têtes de chevrettes.
** Auguste Escoffier (1846-1935) était un chef cuisinier français renommé, souvent considéré comme l'un des plus grands chefs de la fin du 19ème et du début du 20ème siècle. Il est surtout célèbre pour avoir révolutionné et modernisé les techniques culinaires et l'organisation des cuisines dans les grands hôtels, tout en simplifiant et codifiant le style de la cuisine française classique.
** pour le paillage, pour la toiture, les balais, pour boire et manger, en engrais, la bourre pour les cordages, les coques pour faire du feu, des bols…