
Te Mana O Te Moana : gardienne des tortues marines et engagée pour l’océan
Le Fenua, c’est avant tout 2,5 millions de km2 d’océan et une histoire construite sur la mer. Il est aujourd’hui essentiel de protéger ce patrimoine naturel unique. Engagée dans une démarche RSE en faveur de la préservation de l’environnement, Air Tahiti Nui soutient depuis 2016 l’association Te Mana O Te Moana, qui œuvre activement à la sauvegarde des eaux polynésiennes. Célèbre notamment pour sa Clinique des Tortues marines, l’association mène de nombreuses missions de sensibilisation et de recherche afin de mieux protéger nos merveilleux océans.
Cécile Gaspar, vétérinaire, fondatrice et directrice de la stratégie de l’association Te Mana O Te Moana, nous en parle :

Peux-tu nous présenter l’association et sa mission principale ?
« Te Mana O Te Moana signifie L'esprit ou la Force de l'Océan. C'est une association que j'ai cofondée en 2004 avec Richard Bailey, président de Pacific Beachcomber. Les missions de l’association sont : la recherche scientifique sur le milieu marin, des actions de conservation, et des actions d'éducation scolaire et grand public sur le milieu marin et sa protection en Polynésie française.
À l’origine, c’est avec la clinique des tortues que nous avons démarré. Je suis vétérinaire et biologiste marin et j'ai toujours consacré mon temps à l'étude des animaux marins : baleines, dauphins, raies, requins… et puis les tortues marines. En 2004, sur demande de la Direction de l'Environnement, j'ai créé un centre de soins avec un lagon de réhabilitation - une petite clinique pour tortues marines malades, blessées, braconnées, affaiblies, ou heurtées par un bateau. C'est un peu un centre de convalescence pour tortues avant qu’elles ne soient relâchées ».

Quels les enjeux et problématiques essayez-vous de résoudre au quotidien ?
« L'association a démarré par ce programme phare autour des tortues marines qui nous a fait connaître localement et plus tard à l'international, grâce notamment à notre partenariat avec Air Tahiti Nui. J'ai pu aller dans beaucoup de congrès internationaux, porter la voix de la Polynésie et de nos actions.
On a pu démarrer d'autres programmes, d'observation, de collectes de données scientifiques, d'inventaire... On étudie les tortues marines de Polynésie, donc principalement 2 espèces : la tortue verte et la tortue imbriquée. Dès 2006, on a commencé les observations de sites de ponte.
Pour protéger une espèce, il faut essayer de voir à quel stade de vie elle est menacée et comment on peut l'aider. Les tortues marines vivent entre 80 et 100 ans et ne sont matures qu'à partir de 20 ans. Et on sait qu’avant d'arriver à l'âge de 20 ans, il y a énormément de menaces de prédation, et d’autres dangers. On est dans des ratios d’un pour 1000 : c'est-à-dire sur 1000 œufs pondus, il n'y en a qu’un qui arrive à l'âge de maturité. Il est donc important de faire des diagnostics, des inventaires, et de trouver les lieux de ponte des tortues sur notre territoire.
Donc 2 constats : on ne sait pas où pondent les tortues imbriquées, qu'on voit souvent quand on fait du snorkeling sur les pentes externes. Et on sait où pondent les tortues vertes, mais malheureusement on est obligé de continuer à en parler, car elles sont encore assez souvent sujettes à du braconnage pour la consommation de la chair.
Maintenant, on s'engage aussi vraiment dans les actions de sciences citoyennes avec la Direction de l'Environnement. On cherche à trouver d'autres lieux où les habitants seraient prêts à s'engager pour faire des observations et protéger les tortues marines. On se concentre beaucoup sur les Tuamotu parce que c'est là qu’on estime qu’elles se trouvent en majorité. »

Peux-tu nous parler de votre partenariat avec Air Tahiti Nui ?
« On est partenaires d’Air Tahiti Nui depuis 2016 et c’est vraiment un soutien extrêmement important pour nous.
Ce partenariat nous permet particulièrement de partager nos résultats avec la planète quand on peut partir de Polynésie : on a la possibilité d’aller à des congrès scientifiques sur les tortues marines dans le monde, on va à de grandes organisations comme le One Ocean Summit, les COP (Conférences des Nations Unies sur les changements climatiques), ou prochainement l'UNOC, le colloque des Nations unies pour les océans, qui aura lieu à partir du 9 juin prochain.
Air Tahiti Nui nous permet aussi d’organiser des actions sur place : on fait venir les scientifiques ici en Polynésie pour nous aider dans nos recherches.
Il y a aussi bien sûr de belles retombées médiatiques puisque les passagers qui prennent Air Tahiti Nui ont accès aux informations concernant notre association. C'est vraiment important parce que, maintenant, nous sommes installés à Tahiti et on inspire de plus en plus la curiosité des visiteurs et des touristes. Ça nous permet de les sensibiliser aux changements climatiques globaux par l'angle de vue des tortues ».
Quelles sont les retombées de vos actions jusqu’ici ?
« En 20 ans, on a :
- Accueilli 150 000 enfants en centre pédagogique. C’est un de nos projets phares. On accueille les écoles dans des programmes spécialement dédiés aux espèces marines emblématiques et pas uniquement aux tortues.
- Accueilli 680 tortues malades dans notre centre de soins depuis son ouverture.

- Mis un suivi en place à Tetiaroa il y a maintenant 18 ans. Il a porté ses fruits : notre présence a fait diminuer le braconnage, et on a réussi à mieux comprendre leur cycle de vie, leurs menaces, le taux de succès d’éclosion des bébés, et les menaces liées à la prédation naturelle. On est passés d'une vingtaine de traces de tortues par an à plus de 1400 l'an dernier. Donc ça montre que ces efforts donnent des résultats incroyables et que la population de tortues de Tetiaroa évolue vraiment très bien.
- Depuis le début de nos suivis, on a inventorié plus de 350 000 coquilles d'œufs de tortue vides et donc autant de bébés nés en 20 ans. Si on en revient à notre ratio d’un pour 1000, ça ferait 350 adultes arrivant à l'âge de se reproduire. Ce n’est toujours pas suffisant, mais c'est vraiment un chiffre intéressant ! »

Quelles sont les prochaines étapes clés pour Te Mana O Te Moana ?
« Nous continuons à étudier les tortues notamment par suivi satellitaire pour comprendre à quelle fréquence elles reviennent à Tetiaroa et combien de temps elles passent dans les zones d’alimentation entre temps. Nous cherchons aussi à mieux comprendre les tortues subadultes de nos lagons comme à Tahiti ou à Moorea, pour savoir où elles pondent.
On a également mis aussi en place avec nos partenaires des campagnes de sensibilisation à l'arrêt de l'utilisation du plastique à usage unique, car ces tortues sont de plus en plus sujettes à la pollution marine par ingestion qui est en incroyable progression. Les tortues s’étouffent et s'étranglent en mangeant du plastique et elles en meurent. Parfois, elles sont même enchevêtrées dans des filets dérivants.

L’autre problématique qui émerge depuis 2020, ce sont les collisions par les bateaux ou les jet-skis. C’est dû au fait que nos tortues sont plus nombreuses, mais surtout qu’elles s’habituent à l’environnement sonore bruyant avec les bateaux. Elles n’ont donc plus peur du bruit des moteurs et lorsqu’elles remontent toutes les 15 à 20 minutes pour respirer. C’est un sujet de vigilance sur lequel on essaye de mettre en place des campagnes de sensibilisation à la navigation.
On est aussi en train de s'étendre à l'international avec des projets en collaboration avec Wallis et Futuna, la Nouvelle-Calédonie, Fidji, la Papouasie Nouvelle-Guinée... On va essayer de mettre à profit les connaissances qu'on a pu développer, et notre méthodologie pour aider nos collègues de tous ces pays à mettre en place des actions ».
Un message à faire passer pour aider chacun à protéger le Fenua ?
« Parmi les points clés, il faut retenir que les tortues marines sont impactées par :
- Nos mauvaises actions, notamment la pollution marine.
- Le réchauffement de la planète, qui entraîne une féminisation de la population de tortues. Pour résumer rapidement, les bébés se développent dans l’œuf uniquement selon la température d’incubation. Mais il y a des zones de la planète où les plages sont devenues tellement surchauffées que ça produit 100% de femelles. Parfois, les bébés n’arrivent même pas à se développer à différents stades embryonnaires parce qu’il fait trop chaud.
- Les modifications des courants marins. Parfois, elles peuvent se perdre ou ne pas réussir à aller où elles le souhaitent.
- La difficulté à accéder à la nourriture : herbiers, algues marines, etc.
- Les conséquences secondaires telles que l’acidification des océans.
L’idée est de prendre conscience qu'on a chacun notre petit rôle à jouer pour les lagons de Polynésie, pour être en symbiose avec un respect total des océans, mais surtout aussi de la nature en général. Il ne faut pas commettre d’acte de pollution, de dégradation, ne pas consommer excessivement de clim, d’électricité, etc. Il faut être raisonnable à tous les niveaux.
Pour agir, on peut aussi trouver des solutions pour s’engager. On a beaucoup de bénévoles qui viennent nous aider, mais il y a aussi plein d’autres possibilités de contribuer.
Les gens peuvent aussi venir nous rencontrer sur place. On est à l’Intercontinental Tahiti et notre centre est ouvert à tout le monde, résidents et touristes. N’hésitez pas à venir nous voir ! »

Retrouver l’association Te Mana O Te Moana ou faire un don
Retrouvez l’actualité de l’association sur le site Te Mana O te Moana et sur leur page Facebook, ou rendez-vous sur place à l’Hôtel Tahiti InterContinental Resort & Spa à Faa'a, Tahiti (PK 7).
À noter : Les dons sont également possibles sur le site. Pour soutenir l’association, une petite boutique avec casquettes, t-shirts et autres accessoires est accessible sur le site Te Mana O Te Moana, et un espace don est ouvert à ceux qui le souhaitent. Les dons peuvent être défiscalisés (reçus fiscaux disponibles pour les résidents de France métropolitaine et des États-Unis).
© Photos tortues lagon : Alexis Rosenfeld
© Autres photos : Te Mana o te Moana