
Coral Gardeners, ces jardiniers des mers protecteurs des récifs
Titouan Bernicot veut officialiser le métier de « Jardinier du corail ». Il avait 16 ans lorsqu’il a compris l’ampleur du problème du blanchiment des coraux alors qu’il surfait avec ses amis à Moorea. Depuis, le fondateur et président de l’association Coral Gardeners n’a de cesse de protéger le récif et les écosystèmes marins. Air Tahiti Nui, partenaire historique, soutient l’initiative innovante de Coral Gardeners depuis ses débuts.
Titouan Bernicot nous en parle :

Peux-tu nous présenter Coral Gardeners et sa mission principale ?
« Coral Gardeners a été fondée en 2017. L’objectif de l’association est d'aider à la sauvegarde des récifs coralliens dans le monde entier. On a réalisé que ce sont les écosystèmes qui abritent le plus de biodiversité au monde et ils sont extrêmement importants pour notre planète bleue.
Notre mission est d'essayer à la fois de les préserver et de restaurer leur biodiversité avec des techniques de restauration corallienne. On essaie de sensibiliser le monde entier et les communautés locales à leur importance tout en cherchant tout le temps à innover et à développer de nouvelles approches et de nouveaux outils pour améliorer notre travail au quotidien.
Le projet a démarré à Moorea, dans ma chambre, il y a 8 ans maintenant. On est aujourd'hui une équipe de 80 employés. C'est la plus grosse équipe au monde dans le domaine de la restauration corallienne et on travaille dans 3 différents pays pour le moment : La Polynésie française, Fidji, et la Thaïlande plus récemment. »

Quelles sont les problématiques que vous essayez de résoudre ?
« Les récifs coralliens existent depuis 400 millions d'années. Ils étaient là même avant les dinosaures, et pourtant en l'espace de 30 ans, on a perdu plus de la moitié des récifs coralliens de notre planète. Quand j'ai commencé le projet il y a 8 ans, on en était à 25%… Si on ne fait rien, les scientifiques estiment que d'ici 2050, 90% des récifs restants seront condamnés. On pourrait perdre bientôt ces écosystèmes qui sont parmi les plus importants de notre planète !
Les récifs coralliens, c'est la vie, ce sont un peu les poumons de nos océans, et les océans sont les poumons de cette planète bleue. On ne peut pas se permettre de perdre un de nos poumons : plus de la moitié de l'oxygène qu'on respire vient des océans. Et si on perd vraiment ce qu'on appelle « the Rainforest of the Sea », ce sera le début de la fin. »
Quelles sont vos missions au quotidien ?
« La stratégie s'est vraiment bien affinée en quelques années. On cherche à révolutionner l'approche de la conservation marine. La restauration corallienne est une pratique qui est assez nouvelle. On plante des arbres depuis des millénaires, mais ça ne fait que quelques décennies qu’on a commencé à bouturer et planter des coraux.
On veut que notre travail de restauration corallienne soit le plus qualitatif au monde, avec un niveau d’efficacité et des résultats superbes. Donc on passe une grande partie de notre temps là-dessus. On cherche à atteindre les meilleurs résultats de croissance, de santé, de survie de nos coraux. Pour ça, on travaille beaucoup avec des scientifiques du monde entier sur la génétique et la résilience des coraux.
Il y a 5 ans, on a même créé notre centre de recherche et développement interne qui s'appelle CG Labs. On a une équipe d'ingénieurs et de scientifiques doctorants, issus de grandes universités, ayant travaillé dans des entreprises de la Silicon Valley. Ces gens-là nous aident vraiment à récupérer le maximum de données pour arriver à mesurer l'impact de notre travail sur le milieu, et interpréter ces données pour améliorer nos méthodes.
Ensuite, on a d'autres missions annexes en termes d'éducation et de sensibilisation. Le plus gros problème, c'est qu'il y a peu de gens au courant et qui ont envie de faire partie de ces mouvements écologiques et de conservation. C’est pour ça qu’on est devenu le visage de la restauration corallienne dans le monde.
J'étais par exemple au sommet mondial de la restauration corallienne Reef Future grâce à Air Tahiti Nui en décembre dernier au Mexique. On a pu faire venir une équipe de 13 scientifiques et jardiniers de corail. Grâce à ces événements, tout le monde peut mieux comprendre les enjeux liés à Coral Gardeners. C’est vraiment important.
Parallèlement, on essaie de « rebrander », donner une nouvelle image à l’écologie : on veut faire de l'écologie et la conservation de notre planète quelque chose de plus attractif, qui va intéresser le plus grand nombre. »

Quelques mots sur votre partenariat avec Air Tahiti Nui ?
« Notre partenariat avec Air Tahiti Nui a tout changé pour nous. C'est notre partenaire le plus historique : ça fait 8 ans qu'on est en partenariat avec Air Tahiti Nui et ça a été vraiment une rencontre incroyable avec son directeur marketing, Torea Colas. Il a vraiment cru en notre projet et m'a donné un élan de motivation. C’est lui qui m’a dit d’y aller à fond et c'est ce qu'on a fait, ça a donné des ailes au projet.
Le partenariat avec Air Tahiti Nui nous a permis de faire venir tous ces scientifiques. Plus d’une vingtaine de scientifiques internationaux venus de la Grande Barrière de Corail en Australie, de Fidji, des États-Unis… sont venus nous former. Dès le début, on a eu la chance aussi d'avoir le CRIOBE avec Laetitia Hédouin qui m'a beaucoup appris sur les bases de l'écologie et du récif.
Air Tahiti Nui nous permet aussi de nous déplacer à l'international. En ce moment, je m'apprête à aller à la conférence des Nations unies sur les océans à Nice, l’UNOC. On y va avec une centaine de personnes venues de Polynésie. Ça va être un moment clé dans l'histoire des océans. Côté Coral Gardeners, on est une dizaine : des membres de France et des États-Unis nous rejoignent, mais il y a aussi plusieurs de jeunes Polynésiens qui, pour certains, n'ont jamais voyagé. Ce type d’événements internationaux nous a permis de trouver plus de partenaires, de toucher plus de gens, de développer Coral Gardeners avec les grosses ambitions qu'on se fixait au départ. »
Quelles sont les prochaines étapes pour Coral Gardeners ?
« Aujourd’hui, nous avons planté plus de 164 000 coraux depuis le début de notre action. Cela représente des milliers d’heures passées sous l’eau, et nous travaillons avec plus d’une quarantaine d’espèces de coraux à travers le monde.
On a par exemple, sur la nurserie de Tiaia, une couverture corallienne qui a énormément augmenté. En 13 mois, le nombre de poissons sur zone a doublé. C'est excellent de voir ces résultats. On se développe aussi en Polynésie, aux Tuamotu, a Ahe et Tikehau, mais aussi à Teahupo’o et on va aussi ouvrir dans un mois à Bora Bora.

D'un point de vue technologique, ça avance très vite. On vient d'embaucher un nouvel ingénieur spécialisé en intelligence artificielle pour pouvoir automatiser tout le système de monitoring scientifique mensuel de nos coraux en nurserie et sur site avec photogrammétrie 3D et une IA qui mesure la santé et la croissance des coraux.
On est en discussion avec le gouvernement polynésien et notamment la ministre du Travail, Vannina Crolas, pour vraiment essayer de développer cette nouvelle filière. On a créé un nouveau métier avec Coral Gardeners, les jardiniers des mers. On a maintenant une quinzaine de jeunes locaux qui vivent de ce métier en CDI, qui gagnent aujourd’hui leur vie en préservant leur héritage naturel. »

Que faire pour soutenir Coral Gardeners ?
« On a développé un nouveau programme d'adoption de coraux complètement revisité. Chacun peut adopter un corail, pour la Journée mondiale des océans, pour Noël ou un anniversaire par exemple. Ça se fait en moins d'une minute sur le site. Puis ils assistent à un cycle d’un à 2 ans de suivi de la collecte de leur corail, leur plantation, les poissons qui l’entourent, etc. grâce à une intelligence artificielle qui envoie des nouvelles plus précises qu’avant.
On vient aussi de mettre en place Coral Gardeners Xperience : il est possible de venir découvrir le projet pendant 2h30, visiter les nurseries, aider au travail de nos équipes… C’est le seul tour en Polynésie où on peut vraiment mettre la main à la pâte, pour laisser l’endroit qu’on visite dans un meilleur état. L'argent des adoptions et des écotours est réinvesti dans la mission. »
Quel message voudrais-tu faire passer aujourd’hui ?
« Les Polynésiens ont été parmi les premiers peuples à comprendre comment vivre avec la nature. Ils ont compris qu'il n’y a pas de limite entre la montagne, la mer et les gens. Cette compréhension et connexion avec la nature s’est un peu perdue, mais je pense qu'il est temps qu'on se reconnecte avec elle. Pour moi, le jardinage de coraux ou de plantes, il n’y a pas mieux: c’est la meilleure façon de travailler main dans la main avec la nature.
C’est incroyable de pouvoir coopérer, collaborer en symbiose avec cette nature et donner de la vie et de la couleur aux océans, au récif, c'est beau !
Mon message principal serait d’arriver à positiver, d’être vecteur de messages d'espoir. La Polynésie doit être le modèle mondial de ces actions qui vont faire regagner espoir aux gens. Et ça commence ici, dans notre lagon, sur terre, dans nos forêts. Et il faut que les gens participent et qu’on reste positifs parce que c’est vraiment le début des choses sérieuses et j'ai hâte de faire découvrir au monde entier ce qui arrive dans les prochaines années. »

Retrouver et soutenir Coral Gardeners
Découvrez l’actualité de l’association sur Instagram et sur Facebook et rendez-vous sur le site Coral Gardeners pour adopter un corail, réserver votre visite Coral Gardeners Xperience ou contacter l’association.
© Photos : Coral Gardeners / Noé Langronier